Approche en trois étapes pour CLIC
Début octobre, le rapport préliminaire de conception final du projet Collisionneur linéaire compact (CLIC) a été publié. Ce rapport, accompagné d’un résumé stratégique, explique la toute nouvelle approche du projet : un développement du collisionneur linéaire e + e- en trois étapes, correspondant à des énergies différentes. Même si l’avenir de CLIC dépend enc ore des résultats du LHC, cette nouvelle approche en trois étapes des collisions électron-positon de haute énergie pour l’ère post-LHC reste pour le moins convaincante.
Plutôt que d’envisager d’emblée un accélérateur de 48 km de long, la collaboration CLIC propose un projet en plusieurs étapes. Par exemple, on commencerait par un accélérateur de 11 km de long pour une énergie de collision de 500 GeV, puis, dans une deuxième étape, il pourrait être transformé en une machine de 27 km pour une énergie de 1,5 TeV. Enfin, après une décennie environ de collecte de données, on pourrait déployer l’installation complète, à savoir 48 km pour une énergie de 3 TeV (voir image 2). « Non seulement cette approche est pratique du point de vue technique et avantageuse du point de vue financier, mais elle correspond aussi à un programme de physique très convaincant, explique Lucie Linssen, responsable du projet Détecteurs pour collisionneur linéaire au CERN. À chaque étape, la machine pourrait être perfectionnée pour explorer différents objets de physique : à l’énergie initiale de 500 GeV, l’étude du Higgs et du quark top ; à des énergies plus élevées, l’étude des indices de désintégrations plus rares du Higgs, de matière noire, de supersymétrie et d’autres éléments de nouvelle physique (voir image 3). »
Le rapport confirme également que la technologie CLIC est suffisamment flexible et robuste pour que soient surmontées les contraintes techniques liées à l’approche en plusieurs étapes. Ainsi, la collecte des données de la première étape, à l’énergie initiale, pourrait avoir lieu, dans une large mesure, en même temps que la construction et le percement du tunnel de la deuxième étape. Selon le calendrier actuel, présenté dans le rapport par la même équipe que celle qui avait établi le calendrier LHC, le moment où la première étape (à 500 GeV) s’achèverait devrait coïncider avec la fin du programme LHC, aux environs de 2030.
Cela étant, il nous faudra attendre encore quelques années avant que le projet CLIC ne se voie éventuellement donner le feu vert. L’avenir de la physique dépend des résultats du LHC, qui, outre les récentes découvertes, porte toujours les espoirs d’une nouvelle physique à des énergies plus élevées. « Du point de vue de la physique, la cause du collisionneur linéaire de haute énergie n’est pas encore gagnée, poursuit Lucie Linssen. Même si certains processus intéressants concernant le Higgs, tels que l’autocouplage du Higgs, ne seraient possibles qu’à ces énergies élevées, au LHC, les indices d’un modèle de physique au-delà du Modèle standard ne sont pas suffisants pour justifier le niveau d’énergie requis pour la dernière étape. »
Cependant, si le LHC venait à observer des indices d’une nouvelle physique, il se pourrait que l’accélérateur CLIC soit le projet optimal pour prendre en charge les énergies nécessaires. « Nous continuons à espérer et à croire que le LHC observera davantage de signes d’une physique au-delà du Modèle standard, conclut Lucie Linssen. Après quelques années d’exploitation du LHC à pleine énergie, nous serons en mesure de décider de la place du projet CLIC au sein du programme de physique mondial. »
Image 3 : La section efficace d’interaction en fonction de l’énergie dans le centre de masse des collisions e+e-, pour l’un des modèles SUSY, pour le Higgs du Modèle standard (avec une masse à 125 GeV) et pour le quark top du Modèle standard.
Collisionneur électron-positon : un instrument d’exploration puissant L’avantage d’un collisionneur électron-positon est simple : la précision. Les collisions entre des particules fondamentales bien connues permettront aux physiciens d’accéder à des désintégrations qui sont difficiles à observer au LHC. Le premier exemple est la production de ZH par un processus appelé « Higgs-strahlung ». Au CLIC, les collisions électron-positon seront connues avec une grande précision et la particule Z résultant de la collision pourra être mesurée avec la même précision. Ainsi, les physiciens pourraient déduire la masse du Higgs et son couplage avec d’autres particules indépendamment du modèle. Et si une particule inconnue venait à s’inviter dans l’équation – disons par exemple un candidat pour la matière noire – elle serait facilement repérée et observée avec précision. On peut penser également à une des désintégrations du Higgs les plus fréquentes, produisant un b-bbarre. Dans la pratique, elle correspond à seulement deux jets dans le détecteur. Par conséquent, même si elle est produite fréquemment au LHC, le bruit de fond rend son enregistrement pratiquement impossible pour les expériences. Cette désintégration serait nettement plus facile à observer avec le CLIC, parce qu'il y aurait beaucoup moins de bruit de fond et qu’aucun tri par le système de déclenchement ne serait nécessaire pour la lecture des signaux transmis par les détecteurs.
Lors des collisions e+e-, le boson de Higgs est essentiellement produit par deux processus : le « Higgs-strahlung » (à gauche) est le processus dominant jusqu’à environ 500 GeV, même si sa section efficace diminue lorsque l’énergie dans le centre de masse augmente ; le processus par fusion WW domine aux énergies plus élevées, la section efficace augmentant avec l’énergie dans le centre de masse. Les énergies dans le centre de masse élevées sont également favorables à des désintégrations très rares du Higgs, car il y a une augmentation supplémentaire de la luminosité. |
par Katarina Anthony